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ãÔÇåÏÉ ÇáäÓÎÉ ßÇãáÉ : Intellectuel colonisé, intellectuel aliéné



Çã ÇáÝÖá ÈäÊ ÇáÔíÎ
21/03/2009, 11:11 PM
L’intellectuel colonisé et post-colonisé selon Frantz Fanon, Ali Shariati et Edward Saïd .

Etude faite par Youssef Gérard (un jeune Historien travaillant sur
l’histoire du mouvement de libération national algérien)

Intellectuel colonisé, intellectuel aliéné
Le principal problème développé dans les études par nos trois auteurs est sûrement celui de l’aliénation, recouvrant par là même des problèmes plus spécifiques à l’homme colonisé et post-colonisé que sont l’acculturation, la dépersonnalisation ou encore la fausse conscience, des intellectuels du Sud dans leur rapport à la culture occidentale. Ces phénomènes que Léopold Sédar Senghor appela, dans une belle formule, « l’arrachement de soi à soi » c’est-à-dire « à la langue de ma mère, au crâne de mon ancêtre, au tam-tam de mon âme ». Dans sa relation à la culture occidentale le colonisé incorpore le regard dévalorisant que l’Occident porte sur sa culture, son peuple où sa civilisation et devient, par la force de ce discours hégémonique, un aliéné.

L’aliénation peut être définie comme un état dans lequel un individu, par suite de conditionnements extérieurs, économiques, politiques ou/et culturels, cesse de devenir maître de lui-même et se transforme en esclave, simple objet entre les mains d’autres hommes. Réifié par le colonisateur, le colonisé est soumis à un statu social et à des conditions de vie qu’il ne peut modifier sans bouleverser l’ensemble de l’ordre social.
Pour nos trois auteurs, l’intellectuel colonisé auquel on a enseigné la supériorité de la culture occidentale par rapport à sa propre culture est objectivement aliéné. Pendant des années il a tout fait pour faire sienne une culture qui lui enjoignait de se départir de sa culture d’origine, considérée comme inférieure et archaïque. Cette culture inculquée le condamnait à haïr son être profond et à adorer la culture de son oppresseur. Le stigmate visible de cette aliénation peut se voir dans le mépris dans lequel l’intellectuel colonisé ou post-colonisé tient sa propre culture ou son propre peuple. Bien des fois ils se sentent étranger à ceux qu’ils considèrent trop souvent comme des arriérés, aux coutumes « barbares ».
Aliéné, dépersonnalisé, l’intellectuel colonisé a tout fait pour assimiler et s’assimiler à la culture occidentale, c’est-à-dire à la culture dominante. Il a participé, souvent de manière inconsciente et sous la pression du monde culturel dominant, à sa propre aliénation. Selon Frantz Fanon, « l’intellectuel colonisé s’est jeté avec avidité dans la culture occidentale. Semblable aux enfants adoptifs, qui ne cessent leurs investigations du nouveau cadre familial que le moment où se cristallise dans leur psychisme un noyau sécurisant minimum, l’intellectuel colonisé va tenter de faire sienne la culture européenne. Il ne se contentera pas de connaître Rabelais ou Diderot, Shakespeare ou Edgard Poe, il bandera son cerveau jusqu’à le plus extrême complicité avec ces hommes. »[3]

à suivre

[3] Fanon Frantz, Les damnés de la terre, Ed. Gallimard, 1991, page 264

Çã ÇáÝÖá ÈäÊ ÇáÔíÎ
22/03/2009, 01:49 AM
D’après Ali Shariati le stigmate même de l’aliénation se trouve dans les goûts culturels que les jeunes intellectuels colonisés ont développé ou plus exactement que l’on a développé chez eux. Loin de se passionner pour les écrits de philosophes, d’historiens ou de divers écrivains qui partagent objectivement les mêmes conditions sociales et les mêmes conditions idéologico-culturelles qu’eux, leurs regards se tournent exclusivement vers cet Occident dominateur qui les aliènes. Par l’absence d’un regard critique sur la production culturelle de l’Occident et par l’ignorance de la production intellectuelle des autres pays du Sud, l’intellectuel colonisé et post-colonisé entretien et renforce les chaînes qui l’attachent à la culture dominante. « Un de mes regrets, nous confie Ali Shariati, est que nous ne connaissons pas les penseurs qui souffrent des mêmes maux que nous, qui ont des besoins, un milieu, une histoire, une conjoncture semblable aux nôtres, qui proposent pour leur société des solutions pouvant nous être instructives. Nous connaissons les penseurs qui, en principe, ont des idées - même si elle sont justes -, une doctrine - même si celle-ci ne manque pas de profondeur -, des solutions - même si elles sont appropriées - ne répondant pas à nos problème. Au lieu de connaître les grands penseurs africains ou asiatiques de ce siècle qui ont pu arriver - à travers leur prise de conscience nationale, orientale et mondiale - à de nouvelles solutions - on n’a même pas entendu leurs noms -, on se lance à corps perdu dans la connaissance de gens tels que Brecht, Becket, Xénakis qui ne nous concernent nullement même s’ils sont, comme Brecht, progressistes, lucides, éclairés, éclairants. »[4]

[4] Ali Shariati, Histoire et destinée, op. cit., page 107

...à suivre

æáåÇÕí ÚÒíÒ
22/03/2009, 01:53 AM
ÇáÓáÇã Úáíßã æÑÍãÉ Çááå æÈÑßÇÊå

Très Chere soeur Oum Elfadhl

[align=left]C'est la toute vérité qui émane d'un ensemble de philosophes et hommes de Lettres.Nul ne peut nier la suprématie des pensées coloniales et colonialistes qu'a laissé en nous le colonialisme français par exemple,mais ce qui est plus déplorable et que je considère comme atteinte grave à l'existence de l'arabe ou du musulman,c'est l'inculquation de ces concepts à nous par nos parents et ancètres.Ces derniers nous ont longuement considéré comme consommateurs,sauvages, et arriérés par rapport aux européens.Ils ne nous ont jamais fait confiance ,ou à la rigueur,ils ne nous avaient jamais donné l'occasion de leur montrer de quoi nous sommes capables.En plus,ils ne cessent de se moquer des jeunes en les qualifiant de retardés.Meme les hommes de pouvoir, politiciens et politologues ne nous permettent jamais de monter à leurs rangs.Ceux qui sont montés,ont jeté l'echelle,et fermé la porte à clé.Tout ceci n'est que le fruit amer de la colonisation qui écoutait les vieux et brimait les jeunes.Toute colonie redoute les jeunes,et adopte les vieux.L'aliénation gravée par la colonisation dans les société arabes se situe dans l'aliénation des jeunes,en les poussant au suicide sous toutes ses coutures,aux vices et malices, à la rebellion contre le pouvoir gouvernant le pays,ainsi qu'à la haine perpetuelle de son pays et son entourage[/align

Bonne continuation et beaucoup de courage]

Çã ÇáÝÖá ÈäÊ ÇáÔíÎ
22/03/2009, 02:37 AM
æÚáíßã ÇáÓáÇã æÑÍãÉ Çááå æÈÑßÇÊå
ÃÎí ÇáßÑíã æáåÇÕí ÚÒíÒÃÔßÑß Úáì åÐÇ ÇáÊÝÇÚá ÇáÓÑíÚ ãÚ åÐÇ ÇáãæÖæÚ ÇáåÇã æÇáåÇã ÌÏÇ

ta réaction a été très rapide et très vive et je comprends bien ton amertume et j'adhère complètement à certaines opinions que tu as évoqué ici
comme je diverge avec toi sur d'autre mais je préfère terminer le sujet et on pourra alors avoir une discussion plus profonde

[align=left]mes salutations non colonisées non aliénées

Çã ÇáÝÖá ÈäÊ ÇáÔíÎ
22/03/2009, 02:59 AM
Edward Saïd fait globalement le même constat que Frantz Fanon et Ali Shariati quant à la domination idéologico-culturelle qu’exerce l’Occident sur les autres cultures. Selon lui le capitalisme est directement responsable de la domination idéologico-culturelle de l’Occident et, de fait, de l’aliénation des intellectuels du Sud. « L’économie de marché occidentale, tournée vers la consommation, a produit (et continue à produire à une vitesse accélérée) une classe instruite dont la fonction intellectuelle est dirigé de façon à satisfaire les besoins du marché. L’accent est mis, très évidemment, sur les études d’ingénieur, de commerce et d’économie ; mais l’intelligentsia se fait elle-même l’auxiliaire de ce qu’elle considère comme les principales tendances qui ressortent en Occident. Le rôle qui lui a été prescrit est celui de »m oderniser« , ce qui veut dire qu’elle accorde légitimité et autorité à des idées concernant la modernisation, le progrès et la culture qu’elle reçoit en majeur partie des Etats-Unis ». Edward Saïd de conclure que « s’il y a un acquiescement intellectuel aux images et aux doctrines de l’orientalisme, celui-ci est aussi puissamment renforcé par les échanges économiques, politiques et culturels ; bref, l’Orient moderne participe à sa propre orientalisation. »[5]

Ces intellectuels qui participent à l’orientalisation de l’Orient moderne, sont incapables de produire les réponses idéologico-culturelles dont le monde arabo-islamique contemporain à besoin pour se défendre contre l’impérialisme occidental en général et l’impérialisme américain en particulier. Pire, ils participent objectivement au renforcement de cet impérialisme en agissant comme ses représentant locaux. Selon Edward Saïd, « on peut très bien compter cette adaptation de la classe intellectuelle au nouvel impérialisme comme un triomphe de l’orientalisme. Le monde arabe est aujourd’hui un satellite des Etats-Unis du point de vue intellectuel, politique et culturel »[6]. Saïd poursuit en évoquant la formation de ces jeunes intellectuels dans les universités occidentales et le caractère aliénant de ce type de formation. Les formations ressues seront, selon lui, un outil majeur de reproduction des rapports de domination culturelle dans les pays d’origines de ces étudiants et de renforcement de l’orientalisme en Occident même. Selon l’intellectuel palestinien, « les étudiants (et les professeurs orientaux) souhaitent toujours s’asseoir aux pieds des orientalistes américains, avant de répéter devant un public local les cliché que j’ai décrits comme des dogmes de l’orientalisme. Avec un système de reproduction comme celui-ci, il est inévitable que le savant oriental se serve de sa formation américaine pour se sentir supérieur à ses compatriotes, du fait qu’il est capable de maîtriser le système orientaliste ; dans ses relations avec ses supérieurs, les orientalistes européens ou américains, il ne sera qu’un »informateur indigène« . Et c’est bien en cela que consiste son rôle en Occident, s’il a la chance d’y rester une fois ses études terminées. »[7]

[5] Saïd Edward, L’orientalisme, L’Orient créé par l’Occident, le Seuil, 1987, page 350

[6] Ibid., page 347

[7] Ibid., page 349

...à suivre

Çã ÇáÝÖá ÈäÊ ÇáÔíÎ
22/03/2009, 05:02 PM
De l’aliénation à la réappropriation culturelle
Face à la domination idéologico-culturelle de l’Occident et l’aliénation qu’elle provoque chez lui, l’intellectuel colonisé n’a d’autre solution, s’il ne veut pas être définitivement réifié par la culture dominante, que de revenir à sa propre culture, à ses propres sources, à son être profond. La réappropriation culturelle peut être définie comme la volonté, d’un individu ou d’un groupe, de refaire sienne une culture dont il se considère l’héritier et face à laquelle il avait été mis dans une situation d’extériorité. La situation d’extériorité de l’intellectuel colonisé ou post-colonisé, par rapport à la culture dont il est l’héritier, découle directement de sa position d’aliéné dans laquelle l’a placé la domination coloniale ou post-coloniale. Cette réappropriation culturelle est une étape indispensable permettant d’aboutir à une véritable indépendance politique, économiqu e et culturelle. En effet, pour nos trois auteurs une indépendance qui ne serait que politique ne serait qu’une indépendance formelle puisque les esprits resteraient toujours enchaînés à la culture dominante et aux structures économiques perpétuant l’ancienne domination.

Face à l’Occident, l’intellectuel colonisé ou post-colonisé qui œuvre dans la voie de la réappropriation culturelle, en a terminé avec les justifications, les interminables commentaires pour expliquer telle ou telle de ses habitudes, ses idées, ses coutumes ou ses modes de vie. L’intellectuel désaliéné assume son identité, sa différence, ses particularismes, son originalité. Il ne dira plus pour reprendre les mots d’Aimé Césaire : « je ne suis pas différent de vous ; ne faite pas attention à ma peau noire : c’est le soleil qui l’a brûlé ». Non une fois désaliénée il assume son africanité, son arabité, son islamité. Il est ce qu’il est et peu importe ce qu’en penseront les tenants de l’ordre colonial et post-colonial. < /FONT>
Afin d’assumer son identité et pour briser les chaînes qui l’attachent à la culture dominante, l’intellectuel colonisé devra revenir vers à ses racines culturelles, celles de la culture de son peuple, la langue de sa mère, le crâne de son ancêtre. Cela sera une étape nécessaire dans le processus de désaliénation qui mènera l’intellectuel colonisé du suivisme aveugle de l’Occident culturel à l’indépendance idéologico-culturelle. Selon Frantz Fanon, « pour assurer son salut, pour échapper à la suprématie de la culture blanche le colonisé sent la nécessité de revenir vers des racines ignorées, de se perdre, advienne que pourra, dans le peuple barbare. Parce qu’il se sent devenir aliéné, c’est-à-dire le lieu vivant de contradictions qui le menacent d’être insurmontables, le colonisé s’arrac he du marais où il risquait de s’enliser et à corps perdu, à cerveau perdu il accepte, il décide d’assumer, il confirme. Le colonisé se découvre tenu de répondre de tout et de tous. Il ne se fait pas seulement le défenseur, il accepte d’être mis avec les autres et dorénavant il peut se permettre de rire de sa lâcheté passée »[9].


[9] Fanon Frantz, Les damnés de la terre, op. cit., page 263-264