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ãÔÇåÏÉ ÇáäÓÎÉ ßÇãáÉ : La danse des clebs



Mustapha kouara
14/01/2007, 01:29 AM
Le bal des clebs

Il lisait à l’intention de sa promise sa nouvelle histoire qu’il venait d’écrire. Le titre semblait particulièrement la rebuter non parce que les chiens n’ont pas une danse particulière, mais parce qu’elle lisait par-delà l’épaisseur des mots l’influence de l’oeuvre de Naguib Mahfûz « Le Voleur et les Chiens » sur la plupart des lecteurs des années soixante du siècle dernier. Pour sa défense, il invoquait l’effet psychologique de la métaphore tel qu’il l’avait appris dans les cours des figures de rhétoriques :
- A vrai dire, je n’ai jamais entendu parler d’une danse des clebs, mais le lecteur éclairé en saisira toute la portée. Il est à même de faire la différence entre la fidélité des canidés et leur scélératesse.

Elle semblait n’avoir aucune oreille à ce qu’il disait. Autant elle, elle tenait à l’éloigner de ses camarades opposés à l’appel au repentir, autant lui, il s’obstinait à vivre avec sa mémoire :
- Ça fait bien une éternité que nous sommes fiancés ! Ne vois-tu pas qu’il est temps de songer à avoir un toit pour nous deux ?

Ces questions demeurèrent sans réponse. À vrai dire, il lui tenait à coeur de la convaincre quant à l’authenticité du sujet de la nouvelle histoire. C’était sa propre histoire ! Il l’avait vécue dans toutes ses péripéties au vu et au su des honorables invités à cette maudite fête. Comment lui expliquer le sort qu’il avait à subir et que même un ennemi ne saurait souhaiter à son ennemi ?

Elle s’empressa de partir à la faculté. Son départ lui offrit l’aubaine de se retrouver momentanément avec lui-même, loin des allusions sardoniques. Ah ! si elle pouvait deviner ce qu’il endurait chaque jour !... Il abandonnait sa tête à l’oreiller. Il bouillonnait comme un chaudron et se sentait pris dans un cercle fermé. Il parlait de cette nuit funeste passées dans le milieu des « grands », lors d’une cérémonie d’adieu en l’honneur d’une personnalité éminente dont le mandat, disait-on, s’était expiré comme s’expire la date d’utilisation d’un produit. Jamais l’occasion de voir de près les éminents ministres ne se serait présentée à lui s’il ne s’était pas rendu par la force des choses à la capitale. Toutes les voies d’accès à un emploi administratif lui avaient été barrées. Pourtant, C’était l’un des meilleurs lauréats de l’Institut Supérieur de Gestion Politique. Il passait une nuit des plus longues et des plus tourmentées à cogiter sur le parti à prendre pour le lendemain. Fallait-il oui ou non y aller ?

Il arrivait très tôt en même temps que les employés d’un traiteur. Il était beau de visage et il avait de la ligne. Le maître de cérémonie en personne l’avait invité et l’avait désigné pour cette tâche ingrate de servir du thé aux honorables conviés. Il lui dit que tout était à son honneur de servir le thé aux ministres avant d’ajouter en arborant un sourire :
- Je voudrais que ta mise soit dûment soignée. Circonstances exigent ! Abbès prendra en charge de te trouver les vêtements à la mesure de l’événement. Alors ne me fais pas rougir le visage.

Il allait lui demander s’il ne pouvait lui confier une tâche autre que celle de serveur. Il remuait à peine les lèvres lorsqu’il se rappela les paroles de sa mère qui lui conseillait souvent de ne pas lâcher bride à sa langue qui le démangeait. En effet, il ne pouvait la tenir quand il s’agissait de parler à demi-mot ou encore moins de faire des révélations. Il ne pouvait cacher son étonnement à l’idée que maintenant sa bouche était bâillonnée par la crainte de voir se déchaîner sur lui toute la colère du maître de cérémonie.

Il avait peine à dormir. Il pâtissait de l’insomnie à force de penser. Il désirait tant sombrer dans un sommeil profond afin de ne plus songer au rendez-vous du lendemain. Il redressa son médius et le pointa vers sa tenue quotidienne accrochée au mur. Il ne tarda pas à le voir pointé vers sa poitrine. Une voix se faisait entendre dans la seule pièce de la terrasse de l’immeuble ; elle provenait de la tenue :
- Avec moi au moins, ta dignité était sauve.
La dernière lettre lui restait de travers dans la partie postérieure de son gosier. Il soliloquait à haute voix.

Il me révéla tout sur cette nuit. Je saisis en l’écoutant que tous les faits, aux moindres détails près, étaient à jamais gravés dans sa mémoire. Il ne s’était jamais imaginé qu’il pouvait céder, à son grand dam, même lors de cette cérémonie d’adieu d’une personnalité éminente. Il arriva très tôt en même temps que des jeunes qui ne faisaient pas partie auparavant de l’équipe du traiteur. Etait-il plus âgé qu’eux ? Difficile de les distinguer par l’âge. Ce qu’ils avaient pourtant en commun, c’était la grâce de leur visage. Abbès lui dit d’essayer un costume qu’il lui avait choisi. La couleur verte allait à merveille avec le teint de son visage ! En réalité, Abbès n’avait en tête que ce qui pouvait convenir à la circonstance.
- Il y aura des ministres, des secrétaires généraux et d’autres hauts fonctionnaires. Qui sait ? Une surprise n’était pas à écarter, disait-il tout en avalant la salive.

Les invités tardaient à venir. Ils se plaisaient à se faire interminablement attendre. Cloué au même endroit pendant plus de quatre heures, mon ami éprouvait le besoin pressant de vider sa vessie pleine à éclater. Comment déclarer ce besoin urgent? A qui s’adressait-il ? Plus se prolongeait l’attente, plus s’aiguisait la douleur.

Le hasard fait bien parfois les choses !... Abbés fit une irruption éclair pour le mettre au courant des formes à observer lors de la réception des invités. Mon ami avait du mal à retenir les quelques gouttes qui parvenaient à glisser à travers le canal et venaient se déposer pour mouiller l’étoffe revêche de sa culotte. Au retour, il se vit encore une fois contraint à rester cloué plus de trois heures avant que n’apparût le premier arrivant qui avait à sa suite de nombreuses personnes. Il ébaucha un large sourire et sentit se poser sur lui le regard de la personne qui l’examinait des pieds en cap. Il tremblait de peur de décevoir. Il aimerait bien se mettre devant une glace pour voir quel air prenait son sourire sous le fard de la complaisance. Puis arrivaient tour à tour le deuxième, le troisième, le quatrième, le cinquième… Tous l’avaient regardé d’un même point de vue ; tout le monde lui lançait un sourire. Il reprenait confiance en lui-même. Il inclinait chaque fois la tête pour répondre à quelque chose qui ressemblait à un salut. Par bonheur, il s’en était tiré brillamment de l’épreuve. Autrement, il se serait vu renvoyé, chapitré. Et il s’en serait mordu le doigt. Mais ce jour-là, il avait toute la faveur de la Providence. Des sept jeunes, trois seulement furent choisis pour servir dans la grande salle privée. Mon ami ne se doutait de rien quand une main aux doigts caressants passait dans la raie de son derrière. Il ne s’était pas retourné pour comprendre ce qui s’était passé. Mais il vit en se retournant monsieur le ministre qui le suivait d’un bon pied. Il sentait une sueur froide dans le dos. Jamais il ne se sentait si offensé, la colère rongeait ses tripes. Mais il ne savait comment réagir. Fallait-il répliquer à l’offense et crier au scandale ? Soudain, il aperçut le premier des jeunes entre deux hommes qui lui parlaient comme s’il avait été l’un d’eux. Il ouvrait grands les yeux pour mieux observer. Le jeune lui paraissait ballotter entre ces mains qui le cajolaient.

Quelques instants plus tard, un rideau se leva ; on vit un orchestre aux yeux bandés. Comment allaient-ils jouer ? La réponse ne tardait pas à venir. On commençait par accorder les instruments, violon et luth. Ils se préparaient à attaquer une chanson de « l’Atlas ». Il reconnaissait le morceau au premier coup d’ouverture du bendir. Les verres ont été distribués sans qu’aucune goutte de thé ne fût versée. Il se posait la question de savoir quelle boisson prendraient les honorables invités. Le fil de sa pensée fut coupé court par le geste du premier jeune qui tendait sa main vers une bouteille de whisky. Une voix devenue familière lui lança :
- Toi, tu serviras de l’autre côté, à gauche de l’orchestre. Sois très attentif, lumineux et surtout aimable avec les honorables hôtes. Qui sait ? La chance pourrait te sourire. Il est même possible que tu entres dans les bonnes grâces d’une main qui t’ouvrira la voie vers un bel avenir.

Il poussa un soupir très profond entremêlé d’une envie de rire de ce corps d’homme efféminé. Il avait peur qu’on le jugeât mal dans cette fête honorable. Malgré tout, il céda.

Il me confia qu’il avait passé des moments horribles où il devait sans relâche supporter les harcèlements d’un personnage extravagant, mais des plus notables du pays. Il aurait aimé que la terre l’engloutît que de parler de ces moments où il se laissait cajoler le derrière. Au début, il expliquait cela par l’effet de l’alcool, car d’ordinaire ceux qui sont ivres perdent complètement leur lucidité. Il faut toujours s’attendre au pire avec eux ! Il découvrit finalement qu’il avait affaire à une bande de pervers. Dans la confusion orgiaque, il lui était difficile de savoir qui baisait qui. J’esquissai un sourire à la fin de son récit en disant : malgré toute l’éminence de ton savoir qui t’a permis d’avoir ta licence, on t’a eu !

Je l’interrompis sans même lui laissant le temps d’achever l’histoire de cette maudite soirée. Et avec tout le sérieux et en hochant la tête, il ajouta pourtant:
- Tu sais ? Dans un bal de clebs, les dogues deviennent les virtuoses de danse exécutée au plus haut degré de perfection.

Texte de Mohamed Mehdi SIKAL
Traduction de Mustapha KOUARA

Mustapha kouara
14/01/2007, 02:10 AM
même lui laissant Errata: sans même lui laisser au lieu de sans

Mustapha kouara
24/03/2007, 05:08 AM
Tes yeux

Poème de Mustapha DAOU
Traduit par Mustapha KOUARA


Tes yeux cristallisent la fascinante beauté des lumières
Sourdant de la terre à l’aube des âges lointains
Ils jettent le charme sur les horizons
Et sur les collines de vert revêtues
Et s’enivrent au crépuscule les fleurs palustres
La lune dans sa plénitude brûle de les voir
Et s’apaise à l’appel des séduisantes profondeurs

Tes yeux calment la soif des lavandes
Comme une eau si fraîche, si fluide et si limpide
Qu’ils aspergent sur les mamelons, sur les ruisseaux
Sur les feuilles de mûrier, sur les rameaux entrelacés

Tes yeux arrosent les palmeraies
D’eau divine dispersée
En fines gouttelettes de miel
A la douceur puisée au tréfonds d’un rêve
Au-dessus des oasis, au-dessus des broussailles

Tes yeux bravent éclat et lumière
Là où tu défais les cheveux trempés de rosées
Tu apprends à marcher, tu apprends à nager
Tu jettes à la braise mon cœur
Lors d’une noce où les oiseaux sifflent l’air
Du chant de l’espoir voué au désir du cœur

Tes yeux dont je ne redoute guère les fers
Et qu’importe ! si j’ai les mains enchaînées

Tes yeux, mon implacable sort,
Jettent en secret les sagettes de feu
Qui se propage jusqu’aux forts des îles
Dans l’ondoiement du large perdues
Là où les pauvres misérables s’altèrent
A même le calice d’amitié et d’ivresse

Tes yeux ouvrent les portes closes de la cité
Pour débarrasser de la toile d’araignée les fleurs
Pour redonner aux ans révolus toute la ferveur
Pour unir le jour de naissance à la nuit de rencontre

Tes yeux dérobent aux feuilles le vent d’automne
Pour que se prolonge comme en une paire leur vie

Tes yeux deux perles à la couleur d’Orient
Tapissent de prairies les Atlas géants
Depuis que grand-mère a raconté l’histoire
D’Adonis
De la Kahina
De la forêt
Et l’écho parvient à Pâris

Dans la cité ocre, il continue à raconter
La fascination et l’éclat
De l’Amour, du Ciel et de la Terre
S’il est dit Pâris, c’est qu’il est Pâris
Qui connaît la magie profonde des yeux
Sinon, jamais il n’aurait dit ton histoire
Sur les places de Paris, ville nouvelle

Il connaît la magie profonde des yeux
Dans leur champ repoussent et croissent
Ceux qui sont passés
Par Volubilis, et même bien avant
Par Luxus, et même bien après
Par la Koutoubia
Et ce qu’elle a tordu en s’érigeant

Tes yeux bien qu’aimables et jolis
Refusent de chanter la pluie
Dans l’immensité de leur univers

Moi, j’ai vécu du feu de ton amour
Prêt à m’enfourner dans leur profondeur
Malgré toute la peine que je sue
La plume aux doigts désobéit
Sur le sable de tes rivages
Je ne saurais écrire
Que ces bras s’ouvrant pour une étreinte
Sont loin de te convenir
J’unis ma voix à celles des oiseaux
Pour entonner au lever du jour
L’hymne de l’espoir au sacrifice du cœur