Les Fleurs du Mal Charles Baudelaire
زهور الشر
« Traduttore, Traditore » disent les Italiens ; « traduire c’est trahir » ! Mais puisque cette excessive opinion, il a bien fallu qu’on nous la traduise en français pour que nous en comprenions le sens, traduire c’est aussi partager. Ainsi dit, le géni passe d’une langue à une autre : délicate manœuvre qui comporte de beaux exemples de réussites : Charles Baudelaire a bien tendu la main à Edgar Allan Poe. Dans ce qui suit nous lui renvoyons l’ascenseur ! Traduire c’est trahir, cela va de soit. Seulement il nous faut maintenant que nous le savons, dépasser ce simple constat pour une traduction « créative ». Car selon moi, le traducteur est créateur, aussi traitre qu’il puisse être ! Mon défi sera toutefois de passer au lecteur arabophone la même émotion que le lecteur a lors de sa lecture du texte initial. Ma traduction sera donc une traduction des sentiments, des sensations et des émotions. Il s’agira donc pour nous dans ce qui suit de : « Tenter de comprendre comment, tout en sachant qu’on ne dit jamais la même chose, on peut dire presque la même chose. » Umberto Eco, Dire presque la même chose
I. Présentation des Fleurs du Mal
1. Charles Baudelaire
Dans l’histoire de la littérature française, Charles Baudelaire est à la croisée des chemins. Bien que l’on retrouve dans son inspiration poétique de nombreux traits du romantisme, il se rallie à la réaction parnassienne initiée par Théophile Gautier qui proclame le culte de l’art pour l’art. Mais surtout, il annonce par sa théorie des correspondances la doctrine symboliste qui triomphera à la fin du siècle. Il laissera toutefois l’image du poète solitaire et incompris, soucieux de créer sa propre voie. Premier de cette lignée que Verlaine baptisera « les poètes maudits
».
2.
Les Fleurs du Mal
« Des poètes illustres s’étaient partagé depuis longtemps les provinces les plus fleuries du domaine poétique. Il m’a paru plaisant, et d’autant plus difficile, d’extraire la beauté du Mal. Ce livre, essentiellement inutile et absolument innocent, n’a pas été fait dans un autre but que de me divertir et d’exercer mon goût passionné de l’obstacle. »Projet de préface aux Fleurs du Mal
Les Fleurs du Mal ne sont pas une simple addition de poèmes qui auraient pris place dans le recueil au fur et à mesure de leur composition. Ils ne sont pas non plus un simple agencement de mots. Il est entre l’auteur et son œuvre un rapport intime et profond. Il écrira à Ancelle, le 28 février 1866 : « Faut-il vous dire à vous qui ne l’avez pas plus deviné que les autres que dans ce livre atroce, j’ai mis tout mon cœur, toute ma tendresse, toute ma religion (travestie), toute ma haine? Il est vrai que j’écrirai le contraire, que je jurerai mes grands dieux que c’est un livre d’art pur, de singerie, de jonglerie; et je mentirai comme un arracheur de dents. »
II. Les Fleurs du Mal, زهور الشر
1. Le titre
[LEFT]
Baudelaire a affirmé à plusieurs reprises que « les Fleurs du Mal » sont [une tentative « d’extraire la beauté du Mal ». Toutefois, « les fleurs » ne suggère pas seulement la beauté, il faut y ajouter une ne notion d’élaboration, de recherche, de culture. Et le « Mal » signifie le péché mais aussi la souffrance. Fleurs cueillies sur un champ de souffrance ? Ou complaisance envers le péché, parce qu’il est esthétiquement fécond
Correspondances
La Nature est un temple où de vivants piliers
Laissent parfois sortir de confuses paroles;
L’homme y passe à travers des forêts de symboles
Qui l’observent avec des regards familiers
.
Comme de longs échos qui de loin se confondent
Dans une ténébreuse et profonde unité,
Vaste comme la nuit et comme la clarté,
Les parfums, les couleurs et les sons se répondent.
Il est des parfums frais comme des chairs d’enfants,
Doux comme les hautbois, verts comme les prairies, -
Et d’autres, corrompus, riches et triomphants
.
Ayant l’expansion des choses infinies,
Comme l’ambre, le musc, le benjoin et l’encens,
Qui chantent les transports de l’esprit et des sens.
المتطابقات
الطبيعة معبد فيه أعمدة حيّة
تطلق العنان أحيانا لكلام ملتبس،
الإنسان يجوس فيها عبر غابات من الرموز،
تراقبه بنظرات أليفة.
كأصداء مديدة امتزجت من مكان سحيق
في توحد مبهم و عميق،
مبسوط كالغياهب و الضياء
تنتشر العطور،الألوان و الأصوات
هنالك عطور ناعمة كبشرة الأطفال،
عذبة كالمزامير، خضراء كالبراري،
و أخرى فاسدة، غنية، منتصرة
لها انتشار الأشياء السرمدية،
كالمسك و العنبر، برمكة والبخور،
تنشد سكرة الروح و الحواس.
3-Femmes damnées, Delphine et Hippolyte
A la pâle clarté des lampes languissantes,
Sur de profonds coussins tout imprégnés d'odeur
Hippolyte rêvait aux caresses puissantes
Qui levaient le rideau de sa jeune candeur.
Elle cherchait, d'un œil troublé par la tempête,
De sa naïveté le ciel déjà lointain,
Ainsi qu'un voyageur qui retourne la tête
Vers les horizons bleus dépassés le matin.
De ses yeux amortis les paresseuses larmes,
L'air brisé, la stupeur, la morne volupté,
Ses bras vaincus, jetés comme de vaines armes,
Tout servait, tout parait sa fragile beauté.
نساء معذبات
تحت الضوء الشاحب المنبعث من القناديل الخافتة،
و على الأرائك الوثيرة العبقة،
كانت هيبوليت تحلم بعنف الملامسات التي رفعت الستار عن براءتها الغرة.
تبحث بمقلة أربكتها العاصفة.
عن سماء سذاجتها التي صارت نائية عنها،
كمسافر يعود بأنظاره
نحو الأفاق الزرقاء التي اجتازها عند الصباح.
دموع عينيها اللتان استهلكهما العشق الواهنة
هيأتها المنكسرة، ذهولها، لذتها الكئيبة
ذراعاها المهزومتان، المرتميتان لا طائل منها
كل شيء يدعم و يثري جمالها المرهف.
De profundis clamavi
J'implore ta pitié, Toi, l'unique que j'aime,
Du fond du gouffre obscur où mon cœur est tombé.
C'est un univers morne à l'horizon plombé,
Où nagent dans la nuit l'horreur et le blasphème;
Un soleil sans chaleur plane au-dessus six mois,
Et les six autres mois la nuit couvre la terre;
C'est un pays plus nu que la terre polaire;
- Ni bêtes, ni ruisseaux, ni verdure, ni bois.
Or il n'est pas d'horreur au monde qui surpasse
La froide cruauté de ce soleil de glace
Et cette immense nuit semblable au vieux Chaos
;
Je jalouse le sort des plus vils animaux
Qui peuvent se plonger dans un sommeil stupide,
Tant l'écheveau du temps lentement se dévide!
من الأعماق أناديك
أتوسل إليك يا من لا أحب سواه!
من أعماق الهوة المظلمة التي هوى فيها قلبي.
انه كون كئيب افقه من الرصاص,
يسبح في لياليه الرعب و الشتيمة:
شمس عديمة الحر تهيمن عليه ستة أشهر,
بينما يغطي الليل الأرض في الستة أشهر الباقيات;
انه بلد أكثر عراء من القطبين.
لا دابة فيه, لا جداول, لا خضرة و لا غابات.
و لا فظاعة في العالم تتجاوز
قسوة هاته الشمس الجليدية
و هذا الليل العظيم الشبيه بالسديم الأزلي;
احسد مصير أحقر الحيوانات
التي تستطيع أن تغط في سبات بليد,
لكثرة ما يتثاقل الزمن!
[/COLOR] Conclusion
Il ne faut pas s’arrêter à chaque mot, demander à la traduction ce qu’elle ne pourra jamais acquérir: dire la même chose! Il faut aller vers une traduction plus créative, une traduction du sentiment, de la sensation et de l’objet culturel dans sa globalité!
Nb. Je dédie cette modeste étude à mon grand professeur, au regretté Mustapha El Kasri dont la traduction des Fleurs du Mal m’a beaucoup aidé et inspiré, malgré quelques différences d’opinions, toujours enrichissantes et à notre grand auteur et professeur monsieur Abdel Hamid Al Gharbaoui
!
المفضلات