Nouvelle de Hocine filali
Traduit De l’arabe par Dr rabeh Sbaa
Ecrivain ,Sociologue De Langue Française.
Il était allongé sur le dos. Ostensiblement peiné. Il guettait ‘e moindre nuage. Soudain, pris d’un prompt
frémissement, Abou El Barakat eut une idée. Il enfourcha aussitôt sa monture et jura de ne plus retourner chez les Bani Hillal. Il s’est promis de ne plus retourner dans ces lieux avant de connaître l’endroit précis de la chute du nuage. Avant de voir le nuage choir dans une contrée ou une localité qu’il augurait lointaine. Mais cela ne le découragea point. Il lâcha prestement le mors de son cheval, pour rivaliser avec la vitesse du vent. Avalant des distances incommensurables dans le désert. II s’élança comme le “Bouraq“, traversant des territoires inconnus et immenses avant de parvenir enfin à une région gorgée d’eau. Un pays couvert de blé ambré et d’oliveraies luxuriantes. Il descendit promptement de cheval et alla se rouler par terre en criant allégrement :
-Je l’ai trouvé, Oh Jazia ! Je l’ai trouvé, oh !Diab !
Et quand il leva la tête, il aperçut la princesse Saâda entourée de ses hommes. Ils le ligotèrent soigneusement avant de l’attacher sur la selle de son cheval.
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D’impressionnantes vagues de jeunes en colère se répandirent dans les rues de la ville et dans la moindre venelle. L’information parvint rapidement à Zenatti. Il convoqua aussitôt les magiciens, les oracles et quelques charlatans et leur dit avec gravité :
-Donnez-moi votre avis sur un rêve, si vous connaissez les sciences de l’interprétation. Je me suis vu assis sur une chaise en bois suspendue par une corde entre ciel et terre. J’ai vu un animal comme celui qui a dévoré le bâton du roi Salomon, s’agripper à mon pied. A chaque fois que je le tuais, il se multipliait. Il s’est enroulé autour de la corde et des pieds de la chaise. Puis je me suis vu tomber dans un puits sans fond, un gouffre infini. Voilà ce que j’ai vu.
Les membres de l’assistance baissèrent la tête. Ils sortirent ensuite leurs cordes, frappèrent des coups par terre et dessinèrent des lignes et des formes différentes tout en déclarant:
-Oh ! Monseigneur, regardez par la fenêtre, vous allez voir l’interprétation de votre rêve. Vous allez tout savoir!
La foule compacte de jeunes, brandissant des drapeaux rouges et blancs, ceinturait le palais. Les manifestants demandaient le départ immédiat de Zenatti et de sa suite.
-Monseigneur, ne soyez pas affligé par leurs dires!
-Mais qui sont-ils?
-De jeunes fous qui ont été complètement abusés.
-Alors ouvrez-leur les portes de la ville pour laisser partir qui le désire ! Puis pour les autres préparez toutes sortes de distractions et multipliez les libations. Nous attendrons qu’ils reviennent à la raison !
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Les scribes et biographes dirent que durant l’ère de Zenatti, il y eut entre un bar et un autre bar, un troisième bar. Et entre un cabaret et un cabaret, un autre cabaret.
Zenatti sortit un décret royal condamnant à mort tout ceux qui s’opposent aux buveurs et aux jouisseurs ainsi que ceux qui dénoncent les voleurs et les brigands.
Après quelques mois, les propriétaires des bars et des cabarets, sont venus le voir en pleurant et lui dirent:
-O votre majesté ! Nos commerces ne marchent pas et les jeunes de la ville ne s’y intéressent plus!
-Et où vont-ils?
-Ils ont choisi des lieux retirés où ils font montre d’une assiduité et d’une ponctualité à toute épreuve.
-Malheur à eux ! Ramenez-moi leurs meneurs. Ramenez-moi les entêtés, ramenez-moi ces pécheurs, ces criminels.
Puis il décida de convoquer ses chefs militaires qu’il dévisagea avec tristesse avant de leur dire :
-Le danger que représentent ces gens qui se sont repliés avec résolution, constance et ténacité dans des lieux qu’ils ne quittent plus, va en s’amplifiant. Je veux que vous gardiez l’œil sur eux. Entrez dans leur rang et faites ce qu’ils font mais prenez garde à leur influence !
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Une année après Zenatti convoqua ses hommes :
-Comment avez-vous trouvé le mode de vie et l’état d’esprit des reclus ? Et comment sont-ils perçus?
-Nous avons surtout retenu que tout le monde les trouvait repoussants. Tout le monde les couvre de sarcasmes à leur passage.
-Et comment avez-vous trouvé le moral de la population?
-Elle t’aime comme elle aime ses propres fils et bien plus, sire!
-Maintenant, je peux être tranquille!
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Zenatti décida un jour de convoquer ses sujets avant de leur annoncer :
-J’ai réfléchi longuement et il m’a semblé opportun de renouveler les hommes qui forment ma suite. Ces hommes sont censés vous servir assidûment. Choisissez ceux qui vous conviennent le mieux!
La population ne fut pas longue à choisir. Et Zenatti ainsi que sa cour, firent semblant d’accepter les propositions formulées. Mais ils se ravisèrent aussitôt. Ils revinrent sur leur acquiescement arguant de l’immaturité de la population. Ils ordonnèrent, alors de présenter Abou El Barakat, afin de le juger.
-Pourquoi es-tu venu parmi nous, espèce de nègre P Demanda violemment le roi.
-Je suis venu en éclaireur afin de repérer des pâturages pour les Bani Hillal.
-Menteur ! rétorqua le ministre des armées. Tu es venu pour conquérir et suivre les traces de tes ancêtres qui sont en exode depuis quatorze siècles.
Zenatti, en colère se retourna vers ses hommes et lança :
-Tuez-les tous, là où vous les trouvez ! Dépouillez-les et chassez-les. Qu’ils repartent d’où ils sont venus. Qu’ils retournent au désert de Majd !
La population entra alors en guerre contre les hommes de Zenatti et il se mit à pleuvoir du sang sur toute la ville. Les historiens racontent qu’un puissant et violent séisme a fini par l’anéantir. Ses degrés ont dépassé l’échelle de Richter. Son épicentre a été circonscrit près d’une ville se trouvant de l’autre côté de la mer.