Après le succès de son roman «Les périphériques hachurés» (prix littéraire de la municipalité de Gabès pour la création littéraire et prix du jury Comar 2008), Mounir Rekki vient de récidiver en se plaisant dans l’aventure romanesque. Pour ce, il a frappé à la porte de Sud Editions. Et il est à la bonne adresse. Les amoureux des lettres en jugeront d’eux-mêmes après avoir lu «La trahison de l’époque».Sans exagération aucune, sa lecture est un vrai plaisir.
Pour que ce roman soit accepté dans la collection «Regards contemporains» (que dirige Taoufik Baccar, de la maison mère Sud Editions), il y a des indices et des critères qui ne trompent pas sur le fond et la forme du texte en lui-même. Et sur le style coloré, innovant et généreusement ponctué de surprises que l’auteur aime insérer entre les lignes, pour donner de l’intensité et de l’épaisseur à son écriture.
D’un format moyen, le roman s’étale et s’aère sur 208 pages tendrement brodées. Pour dire les choses crûment, telles qu’elles sont. Chaque chose a sa propre couleur, son propre teint qui ne passe pas au fil des temps. L’auteur, pris dans un courant, prend le temps qu’il faut pour dérouler les vagues des tempêtes. De toutes les tempêtes. Pour voir à son aise les couches savonneuses de l’écume, s’émoussant, se trémoussant au moindre souffle. Epuisées sous son regard, elles s’évanouissent et meurent, lentement, à petites doses sur les rives de la raison.
Mounir Rekki a appris comment apprivoiser les colères. Il a aussi appris comment draguer les séductions. Et entre les deux, il trame sa position. De fil en aiguille, il torsade son élégant style et raconte sa liaison avec l’ombre de son être, de son environnement.
Pour ce, il nous accueille les bras ouverts chez lui. Avec la générosité des Sudistes, nos bonnes gens dignes et fières de l’être. Et il n’a rien à cacher car il est né comme ça et il n’y a rien à dire sur sa nature et sa double nature. Au point de tout dire, de tout déverser, de tout rendre. Et de cracher tous les morceaux qu’on lui a fait avaler. Car il lui est difficile de faire passer les intrus et de les digérer
Après avoir appris les messages de l’histoire.
Que raconte l’histoire ?
Il y a certes les couleurs et les parfums du henné qui parfument et colorent biologiquement les airs. Mais il y a aussi, en arrière-fond, des cieux moutonneux et des toiles d’araignée et quelques idées volantes agrippées aux grognes de la mauvaise nature. Nous sommes à Gabès. Entre amours et haines, paix et guerres, bonheurs et turbulences. Il y a les lumières du Nord qui captivent les regards et les larmes sur les décombres de nos ancêtres éclairés qui ont enfanté des cendres et des silhouettes fantômes. Ni du Nord, ni du Sud et leur marche est chancelante. Moncef, Tahar, Youssef et d’autres corps incarnés par une fille d’une beauté féroce, par un enfant choyé par un plaisir de la vie et qui se trouve, à vie, endetté par un colon gourmand, aux yeux plus gros que le ventre et qui ne cesse de le harceler et par tous moyens. Les moyens de la colonisation diffèrent. Si ce n’est pas à l’arme à feu, ça se fait autrement. A l’arme de l’étouffement économique qui serre la gorge et qui noue les estomacs.
L’auteur se laisse prendre dans les draps du vrai et du pseudo. Il met quelques ponctuations et accentue quelques traits et laisse libre cours au lecteur pour imaginer les scénarios et les histoires. Et en tirer les conclusions. Voulues par ce bricoleur d’art qui a griffonné au prélude de ce roman, une pensée à son père, une autre à son gamin Mohamed Taha. A qui il lègue un peu de son sang d’arabité. Et d’autres attentions à tous ceux qui ont été perturbés dans leur sommeil ou réveil de sa région. L’introduction de Noureddine Al Aloui dit des choses précieuses sur eux. Précieuses dans les deux sens pour raconter l’histoire. Une histoire vraie enveloppée dans le voile de la fiction et exprimée dans la langue d’El Moutanabbi.
Zohra ABID
المصدر:
http://www.tunisia-today.com/archives/47825
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